lundi 27 avril 2009

Le hamster tourne...

Dès le début de la lecture de l'article de Santagata, je me suis questionnée sur le sujet de mon travail. J'étudie une formation pour les enseignants du primaire en utilisant les vidéos. Jusqu'à maintenant, j'avais envisagé montrer des vidéos sur des techniques (la dictée, par exemple). Est-ce que les vidéos devraient servir à développer une compétence professionnelle plus grande? Est-ce qu'un club vidéo au cours duquel les enseignants montrent leurs propores pratiques ne serait pas plus pertinent? Est-ce que je devrais me contrer plus au 3e cycle, entre les deux épreuves obligatoires d'écriture pour obtenir des données plus faciles à recueillir? Le fait que je travaille en milieu défavorisé peut aussi laisser supposer que les enseignants en demandent moins aux élèves... et que la réflexion grammaticale gagnerait à être étoffée.

Mmmm ... La nuit porte conseil...
Josiane Boulet. (1986) «Jugements d’acceptabilité et raisonnements métalinguistiques» dans ELA no 62. 40-58.

L’étude qui suit observe les jugements de grammaticalité et leurs raisonnements sur des cohortes d’enfants de divers âges pour en mesurer l’évolution. Des enfants de CP, CE1, CE2 et CM1, CM2 doivent indiquer si des énoncés sont, à leurs yeux, des phrases ou non et dire pourquoi. L’analyse des résultats porte donc autant sur les jugements d’acceptabilité, le raisonnement qui y conduit que sur l’âge des élèves.

D’abord, l’auteure observe deux réactions : les enfants posent d’abord un jugement (oui/non) et ils expliquent leurs raisons et/ou ils reformulent l’énoncé pour rendre l’énoncé acceptable. J’ai observé cette réaction avec des enseignants en formation de grammaire. Ils ont tendance à reconstruire une phrase acceptable plutôt que de l’étiqueter non-conforme et d’en déduire une information. L’inconfort est étonnamment grand devant une phrase agrammaticale.

Le corpus de phrases propose une variété intéressante d’énoncés dont certains sont majoritairement acceptés (les enfants aiment la soupe) ou rejetés par les enfants (Marie cueille); pour d’autres, les avis sont plus partagés (Pierre il est gentil). Cette distinction dépend des énoncés eux-mêmes et de l’âge des enfants. En effet, le classement binaire (phrase/non-phrase) est stable selon l’âge : «Le sentiment linguistique des sujets, leur intuition de l’acceptabilité ne se modifie pas durant la scolarité primaire.» (p. 43). Le critère sémantique est très utilisé dès le 1er âge scolaire. Enfin, généralement, plus l’âge des enfants augmente, plus ils ont tendance à refuser des phrases.

Arrivons maintenant aux raisons que les enfants évoquent pour justifier leurs choix. Quatre types d’arguments sont globalement utilisés selon les âges : «indifférenciation entre la phrase et son référent, (…) [prise] en compte de la situation d’énonciation, (…) [appréhension] de la forme même de la suite.» (p. 45) Trois grandes étapes se dégagent de ces arguments : d’abord, l’effacement (parfois partiel) du savoir naïf qui entraine un enfant à confondre, par exemple, l’énoncé linguistique et son contexte (la table mangera à la cantine). Ensuite, «l’apprentissage progressif d’une argumentation relationnelle» permet aux enfants de parler des éléments d’une phrase à l’aide d’un métalangage appris en classe. Enfin, le troisième mouvement se distingue des deux autres parce qu’il indique que les arguments de qualité décroissent en lien avec un apprentissage scolaire spécifique ?????

Finalement, Boutet précise que l’étude portera sur le raisonnement grammatical des élèves et non sur l’exactitude de sa réponse.

L’analyse des raisonnements grammaticaux fait apparaître trois systèmes dans la réflexion des élèves :

D’abord, un système stable qui montre l’unanimité des jugements sur un énoncé, peu importe l’âge, c’est la façon de le dire qui change. Ainsi, mêmes les plus jeunes ont l’intuition d’une anomalie syntaxique (ou sémantique) sans savoir pour autant l’exprimer. «Ils sont donc sensibles à tous les âges à l’absence de certains constituants et jugent que cette absence interdit que la suite soit une phrase.» (p. 48). Par contre, plus les enfants grandissent, plus ils ont tendance à rejeter des suites de mots.

Fait surprenant, l’argument pragmatique est énoncé dans certains cas seulement. Les enfants ont répondu que «ne pas marcher sur les pelouses» est une phrase, car est elle bien formée, elle comporte un verbe et «c’est une pancarte», mais ont refusé «arriverons demain gare de Lyon» et «sortie de camions», même si ces deux suites correspondent aux arguments énoncés précédemment : présence d’un verbe et possibilité d’être une pancarte. Dans le cas de «sortie de camions», l’hypothèse retenue par l’auteure donne préséance à l’absence de verbe comme argument décisif. Étonnamment, ce dernier argument n’a pas joué pour l’acceptation de «quelle drôle de poupée». Cette dernière phrase, par sa plus grande facilité à la reconstruire en énoncé verbal, n’a pas dupé les enfants.

Généralement, deux arguments sont utilisés par les enfants : un argument formel (syntaxique) et un argument sémantique. Les deux combinés sont plus décisifs qu’un seul.

Quand les enfants vieillissent, ils passent d’un système à un autre. De nouveaux types d’arguments apparaissent lors d’une phase intermédiaire et les premiers disparaissent. Cette phase témoigne d’un apprentissage scolaire.

Devant un problème sémantique comme dans «ce matin maman a fait un gâteau et on l’a mangé dimanche», les enfants sentent le problème, mais ne peuvent l’expliquer. Ils tentent alors de reformuler la phrase pour qu’elle fasse sens.

Devant le cas d’une phrase longue (coordonnée), les enfants ne voient pas de problème à ce qu’il y ait deux ou trois phrases en une.

Devant l’interrogation, les enfants rejettent l’énoncé car ils ont besoin de voir le couple question/réponse pour approuver la phrase comme telle.

Enfin, les enfants peuvent démontrer un système instable. Pour trois phrases du corpus, les enfants rejettent les énoncés et utilisent tous le même argument pour justifier leur choix (grammaticalité, structure thématisée et absence de verbe). Parfois, les enfants tentent de restreindre leur réponse : oui, c’est une phrase, mais…

En conclusion, l’étude révèle que peu importe l’âge des élèves, ils possèdent la même intuition grammaticale sur les phrases. Il en ressort également que la complétude structurale sert d’élément décisif pour admettre les énoncés comme des phrases. Grâce à l’enseignement systématique et la maturité cognitive des élèves, les arguments syntaxiques prennent le dessus avec l’âge ce qui laisse supposer que le programme de formation de l’école québécoise mise juste avec l’enseignement de la grammaire actuelle.

Mettre la syntaxe au cœur des réflexions grammaticales est un enjeu de taille, car il en résulte des résultats pour les élèves, mais un lâcher prise pour les enseignants.

Cette lecture en amène directement une autre (ou l’inverse) :

Darras, Francine et Cauterman, Marie-Michèle. (1997) «Mais qu’est-ce qu’une phrase?» dans Recherches no 26. 209-219.

Pour les élèves de 6e année (11 ans), les arguments proposés pour indiquer si oui ou non un énoncé est une phrase sont de différents ordres :

Critère sémantique (ça doit vouloir dire quelque chose de manière déclarative)
Critère syntaxique (c’est un énoncé complet, mais pas trop long)
Autre critère (prosodique, temps verbal, etc.)

Les auteures proposent une démarche pour étudier le phénomène de complexité d’une phrase : les élèves proposent un jugement de grammaticalité sur un corpus de phrases (celui de Boutet). Ils cherchent ensuite à dire par le savoir grammatical (apprentissage par la lecture) pourquoi elles sont incomplètes ou problématiques. Cela amène à réviser certains jugements de grammaticalité. Les élèves doivent comprendre de cette activité que l’analyse d’une phrase dépend du point de vue dans lequel on se place (sémantique? syntaxique?) et que les phrases qui se retrouvent dans les grammaires le sont en fonction d’une possibilité d’analyse rigoureuse et scolaire.

Cet article place l’importance de considérer les représentations des élèves lors de la planification de l’enseignement. De plus, il traite des jugements de grammaticalité qui insécurisent beaucoup les enseignants. Il n’y a pas de réponse finale et sans appel au sujet des phrases. Enfin, il considère que les enfants sont en mesure de fournir des justifications métalinguistiques.


dimanche 5 avril 2009

Utiliser la vidéo pour supporter le développement de l'habileté à observer les interactions en classe

Using Video Support Teachers’ Ability to Notice Classroom Interactions
(Sherin and Es, 2005)

Il est bien beau d’étudier les pédagogies actives et novatrices, encore faut-il être en mesure de les appliquer dans la salle de classe! C’est ce constat qui m’a amenée à lire avec intérêt l’article de Sherin and Es (2005) Using Video Support Teachers’ Ability to Notice Classroom Interactions. Comme mon métier consiste à faire changer des pratiques, je me suis demandé, pendant ma lecture, ce que changeaient les vidéos dans la pratique des enseignants.

L’utilisation de la vidéo est devenue un outil de développement pédagogique autant pour les enseignants débutants que pour les plus expérimentés. Non seulement il est possible d’observer ce que font les enseignants sur les vidéos, mais on peut maintenant apprendre à observer les interactions en classe. L’observation devient essentielle dans le contexte de la réforme de l’enseignement des mathématiques et des sciences (dans l’article), mais aussi dans le contexte du renouveau pédagogique que nous vivons depuis huit ans au Québec. En effet, les enseignants doivent être en mesure de bien observer les interactions des élèves dans la classe afin de mieux prêter attention à leurs idées, leurs représentations et de faire progresser leurs apprentissages par échafaudage.

Les auteures présentent deux recherches pour appuyer leurs conclusions. Ces recherches présentent de novateur le fait qu’elles investiguent l’habileté des enseignants à reconnaître les éléments essentiels d’une situation, en contexte de classe. La vidéo permet de soutenir cette habileté à observer en classe, car elle ajoute son support à la mémoire. On peut la visionner plusieurs fois et l’analyser selon des points de vue différents. Tout cela s’avère impossible en temps réel. De plus, les groupes d’enseignants échangent et partagent leurs points de vue et observation. La méthode du «club vidéo» est elle-même inspirée du socio-constructivisme.

La première étude regroupe des enseignants qui se verront une dizaine de fois dans l’année pour observer et discuter des vidéos tournées dans les classes. Ces rencontres seront filmées. Chaque fois, on leur demande d’observer et de justifier ce qu’ils voient. La deuxième étude regroupe six enseignants étudiants qui utiliseront le logiciel VAST. Un mois avant et un mois après le visionnage des vidéos, les participants devront rédiger un texte sur leurs observations et devront répondre à des questions. Six autres étudiants feront l’exercice des essais, sans le logiciel VAST.

Après l’analyse des données, les chercheurs ont conclu que les enseignants avaient développé de nouvelles manières d’observer les interactions dans la classe. Ceux-ci ont changé l’objet de leurs observations (ce qu’ils voient) et la manière dont ils en parlent. Les enseignants de la 1re étude sont passés d’observations sur la pédagogie à des observations sur le raisonnement des élèves. Ils ont pris conscience du chemin qu’ils avaient parcouru et ont compris que l’observation du raisonnement des élèves donnait beaucoup plus de valeur à leur travail et donc aux apprentissages. Leurs pratiques pédagogiques étaient à même d’être modifiées dans le sens de la réforme. Les enseignants du 2e groupe ont évolué, quant à eux, d’une description chronologique à une observation des éléments importants d’une situation. À la fin de l’étude, les enseignants arrivaient à diviser leur texte en thèmes dont ils voulaient discuter et à explorer en détail des événements spécifiques. Les enseignants qui travaillaient avec VAST ont vu plus de leurs pratiques se modifier que les autres, ce qui laisse supposer que le logiciel est un outil d’accélération du changement.

Les attitudes des enseignants ont aussi été modifiées lors des études. En effet, ils sont passés d’une attitude d’évaluation (qu’aurais-je dû faire?) à une attitude d’interprétation de la méthode d’enseignement sur les apprentissages des élèves. De plus, leurs commentaires se sont raffinés et précisés : les justifications étaient plus élaborées et centrées sur les causes de l’événement abordé. Enfin, les participants aux études ont développé l’habileté de baser leurs interprétations sur les éléments précis des vidéos. Cet apprentissage est essentiel pour le transfert lorsqu’ils se retrouveront en situation réelle en classe. Ensuite, cette habileté leur a permis d’être plus rigoureux et précis dans leurs justifications et d’apporter différentes interprétations à un même événement. Les enseignants ont senti, dans ce projet, qu’ils faisaient partie d’une communauté d’apprenants, ce qui les a sûrement stimulés.

Finalement, en recherche, les vidéos changent les pratiques des enseignants en les outillant à mieux observer les interactions en classe : accorder une importance aux éléments clé (raisonnement des élèves) et s’en servir pour construire des connaissances avec eux. Les auteures concluent par une ouverture intéressante : est-ce que les enseignants seront en mesure de transférer ces nouvelles habiletés dans le contexte de leur classe? Est-ce que les groupes de développement pédagogique par la méthode du «club vidéo» deviendront le pain quotidien des conseillers pédagogiques? Cet article en laisse entrevoir la possibilité.

Préparer les enseignants à apprendre en enseignant

PREPARING TEACHERS TO LEARN FROM TEACHING
James Hiebert, Anne K. Morris, Dawn Berk, Amanda Jansen

University of Delaware


Selon les auteurs de l’article, la formation initiale des maitres serait inefficace à former des enseignants experts. Trop peu de temps, trop peu d’expérience de terrain. De plus, une culture très forte de ce que devrait être l’enseignement influence beaucoup les apprentissages et les pratiques des étudiants. Une alternative proposée se situe dans un programme de formation qui enseigne à apprendre en enseignant. Ce programme serait constitué de savoirs, d’habiletés et d’attitudes que doivent maitriser des enseignants apprenants. Le but systématique et intentionnel des interventions constitue un pilier de cette démarche.

«Le but central de l’enseignement est d’aider les élèves à apprendre. Il serait difficile d’imaginer des enseignants devenir plus efficaces au fil des années sans être capable d’analyser leur enseignement en regard de ses effets sur les apprentissages des élèves.» (p. 48)
Deux types de savoirs sont proposés dans cet article : la connaissance du sujet à enseigner pour être en mesure de définir des buts précis d’apprentissages pour les élèves et l’habileté à analyser l’enseignement en regard des apprentissages des élèves. Pour parvenir à développer cette deuxième compétence, quatre habiletés sont décrites.

Afin de développer un tel programme, il importe que les professeurs (formateurs) aux futurs enseignants maitrisent l’analyse proposée afin d’en développer la compétence et donc de mieux l’enseigner, l’exposer à leurs étudiants. Je m’inclus dans ces formateurs aux enseignants en tant que conseillère pédagogique. Ce programme de formation initiale suppose aussi qu’un changement de point de vue doit s’opérer : de l’acquisition d’habileté pédagogiques en classe vers l’analyse de ces pratiques pédagogiques. Cette nouvelle habileté à mon sens, de plus haut niveau cognitif permet d’atteindre le cœur de l’enseignement, à savoir l’interaction entre l’enseignant et l’élève autour d’un sujet, d’une discipline. Elle permet aussi d’accorder de l’importance à la préparation et au retour sur une leçon, deux aspects que maitrise l’enseignant expert. Pour apprendre ces habiletés, on peut utiliser sa propre leçon ou celle de quelqu’un d’autre, des pratiques en classe ou sur vidéo, des récits de leçon, etc. La description de Britt-Marie Barth sur l’attribut en est un bon exemple, ainsi que les vidéos sur la dictée. Peut-être que mon tournage pourrait se faire autour de la démarche active de découverte?

Le canevas propose quatre habiletés qui doivent se développer de manière consciente et délibérée. L’enseignant devient un chercheur qui porte attention à des indices et des preuves pour prendre des décisions éclairées sur son enseignement. Par chercheur, les auteurs entendent une disposition critique et empirique en regard de la planification et de la réflexion sur l’enseignement. Cet aspect d’analyse se rapporte à une orientation de la pratique réflexive et peut s’appliquer ici par des buts d’apprentissages fixés par l’enseignant et les pratiques pédagogiques sélectionnées pour y parvenir.

Habileté 1 : déterminer les buts d’apprentissage pour les élèves.

Analyser l’enseignement implique l’analyse des effets d’un enseignement sur les buts d’apprentissage préalablement définis. Ces buts doivent être explicites et précis. Ils doivent être décrits en objectifs et sous-objectifs très clairs. Plus ils sont détaillés et emploient le métalangage propre à la discipline, plus l’analyse devient «facile». Deux écueils restent à éviter : d’abord, il se peut que lors de la leçon, des apprentissages non prévus surviennent. Ce ne sont pas ceux qu’il faut étudier, car ils n’étaient pas planifiés et donc impossibles à évaluer en lien avec les intentions de départ. Le second écueil survient quand on analyse la leçon d’un tiers. Il est plus facile d’analyser sa propre leçon que celle de quelqu’un d’autre, car bien des objectifs ou sous-objectifs restent non dits. L’enseignant les connait, mais ne les explicite pas toujours sous forme écrite lorsqu’il planifie. Si l’analyse se fait sur une vidéo, les étudiants ont besoin de détails sur la planification par le billet de notes, de plan de la leçon ou d’entrevue préalable. Ça me fait penser aux tournages de Zoom dans lesquels on y présente des entrevues avant et après la leçon.

Habileté 2 : cueillir des informations utiles sur l’enseignement et l’apprentissage

Les informations à observer concernent ce que les élèves sont en train d’apprendre en lien avec les objectifs d’apprentissage. Recueillir ces informations nécessite d’abord de sélectionner les bonnes informations, de reconnaitre ce qui constitue une bonne information et de les chercher dans des moments clés de la leçon. Ce travail nécessite de centrer son regard sur les apprentissages des élèves et non sur les activités de l’enseignant. Cette partie du travail est difficile pour les jeunes enseignants, car ils ont besoin d’un minimum de certitude pour pouvoir être efficace; or, il faut douter pour sélectionner les bonnes informations en regardant les élèves. À ce point-ci, je me demande si on peut travailler de cette manière avec des enseignants d’expérience comme je le fais dans mon travail. Certains, malgré cette expérience, semblent déstabilisés facilement. Peut-on agir sur eux comme sur des enseignants débutant? Généralement, les informations utiles proviennent des réponses des élèves (réponses verbales ou travail écrit), formulées dans un métalangage clair et en lien avec l’intention pédagogique. Il est donc important de savoir où chercher l’information et savoir ce qu’on cherche dans le genre de réponse recueilli. L’enseignant doit être disposé et prêt à observer les stratégies déployées par les élèves afin de consigner ce que cette réponse montre du niveau de compréhension de l’élève. L’enseignant doit donc prédire les moments-clé où il pourra «voir» cette information et décider quelle réponse donnera quelle information. Ce moment surviendra seulement si la situation a été planifiée pour permettre à l’élève de démontrer sa compréhension.

Il faudra penser à cela dans l’élaboration de grilles d’écoute quand je demande aux enseignants de regarder des vidéos en formation.

Pour évaluer l’atteinte de cette habileté, il est primordial que l’information révèle clairement si les intentions ont été atteintes. Si l’information recueillie est précise et reliée aux sous-objectifs, elle sera plus utile que si elle est plus générale. De plus, l’information qui va au-delà des réponses de surface et de la perception est plus utile. Enfin, elle est plus utile si elle représente l’ensemble des élèves et non seulement ceux qui répondent aux questions.

Habileté 3 : construire des hypothèses sur les effets de l’enseignement sur les apprentissages des élèves

Des deux premières habiletés découle la troisième. Pour construire une hypothèse valable au sujet de ce que les élèves ont appris en lien avec l’objectif, il faut avoir des informations valables. De la réponse de l’élève, l’habileté 3 va vers l’événement pédagogique qui entraine cette réponse. Les hypothèses touchent les éléments sur lesquels il peut y avoir un réel travail d’entrepris pour des situations futures, qui montrent un lien de cause à effet entre l’enseignement planifié et l’apprentissage réel, que ce soient sur des moments-clé dont on peut tirer des observations ou des situations plus larges. Encore une fois, plus les hypothèses sont précises, plus elles sont révèlent d’informations et peuvent être réinvesties dans de nouvelles situations d’apprentissage.

La formulation d’hypothèse demeure un savoir d’expérience. L’explication des conditions d’apprentissage est un critère qui contribue à indiquer pourquoi l’apprentissage a ou n’a pas eu lien. Les hypothèses peuvent se centrer sur le contenu et la meilleure manière de le transmettre (genre de question, explication, consignes, etc.) que sur le climat de la classe (transitions douces entre le modelage et la pratique, rétroaction rapide, etc.). Les hypothèses construites tracent un certain sentier qui amène l’élève à mieux apprendre (n’est pas ce qu’on appelle la didactique?) Lors de cette étape, la rigueur est de mise, car les observations effectuées le sont à partir des informations provenant des moments clés choisis en fonction de leur potentiel pour l’amélioration de l’enseignement. L’habileté 3 représente donc un pont entre les habiletés 2 et 4. La rigueur prend aussi tout son sens quand on pense à la quantité d’interactions et de causes pouvant expliquer un apprentissage. Les élèves étant différents, tous apprennent plus ou moins quelque chose d’un certain enseignement, ce qui rend les hypothèses à traiter sous forme de questions et non de vérité. Plus l’enseignant connait les concepts qu’il doit enseigner, plus il parvient à observer ce que les élèves maitrisent et ne maitrisent pas. Il en est ainsi en grammaire. Or, pour savoir ce que sont les représentations des élèves, il faut avoir accès à leur pensée, ce qui demande du temps.

Les hypothèses les plus efficaces portent sur les apprentissages reliés aux intentions d’enseignement, décrivent la situation avec assez de détail pour qu’elle soit réinvestie et affinée, elles se basent sur des principes appropriés au but d’apprentissage et elles reconnaissent la complexité de la situation d’enseignement en demeurant nuancées.

Habileté 4 : Utiliser l’analyse pour proposer des améliorations dans l’enseignement

«Le but d’appliquer les trois habiletés précédentes est de fournir des informations nécessaires à une prise de décision basée sur des preuves (il existe une expression française pour evidence based…) et indiquant comment améliorer une situation d’apprentissage.» (p. 55)

Évidemment, les hypothèses formulées orientent l’amélioration de la situation. Ces améliorations viseront principalement la classe au complet pour que tous atteignent les buts d’apprentissage visés (Il y a ici nécessairement de la différenciation). La leçon révisée sera jugée acceptable si elle permet aux élèves de mieux apprendre et si elle permet de mieux observer les élèves apprendre dans des moments-clés.

Bien que ces quatre habiletés semblent relever du gros bon sens, les enseignants ne les appliquent pas spontanément. La pratique réflexive reste encore à installer. Selon les données préliminaires, cette pratique semble cependant fonctionner. Il suffit de montrer aux enseignants qu’ils ne peuvent plus enseigner autrement pour garantir l’équité dans l’enseignement. Le temps des perceptions et des attentes individuelles semble révolu.

Bien qu’aucune compétence professionnelle ne traite de ces habiletés, la compétence professionnelle 11 les englobe en indiquant l’importance de «s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel».

Les auteurs concluent en se demandant si les enseignants novices peuvent aussi développer ces quatre habiletés, même si elles exigent un savoir d’expérience. La réponse se trouve dans l’expérience de Van Es et Sherin (2002) dont un compte-rendu suit dans mon blogue.

vendredi 3 avril 2009

Une production initiale d'une formation en grammaire actuelle

À l'automne 2008, j'ai donné une formation en grammaire actuelle à des enseignants de la commission scolaire et je l'ai documentée à travers un travail pour le cours sur les pédagogies actives avec M. Robert David. Je partirai de ce point de départ pour ajouter, remplacer, effacer ou déplacer des éléments de cette formation, tant au plan de son contenu que de sa forme.

Je publie ici le travail en version améliorée, c'est-à-dire réécrite en lien avec les commentaires de M. David. Pour les annexes, elles suivront dans un format que je jugerai le plus facile à consulter pour ce blogue. Si vous avez des idées, ne vous gênez pas pour me les communiquer :) J'apprends!

Bonne lecture et merci pour les commentaires et suggestions qui pourraient vous venir suite à la lecture du déroulement et du contenu présenté.

Dans le cadre de mon travail de conseillère pédagogique, je suis appelée à travailler avec des enseignants pour faire changer ou bonifier les pratiques pédagogiques. Tout comme j’avais le souci de mettre mes élèves en action, j’ai toujours ce souci de rendre les enseignants actifs. Je n’aime pas me retrouver en présentation frontale, surtout pour transmettre des contenus, des manières de faire, des ressources. Je vais présenter et analyser un atelier que j’ai planifié avec une collègue de travail et vécu avec un groupe d’une quinzaine d’enseignants afin de démontrer que j’ai commencé à intégrer les idées des pédagogies actives.

L’intention de l’atelier était de présenter aux enseignants du primaire un document de référence de la Commission scolaire des Patriotes au sujet de la nouvelle grammaire[1] dont je parlerai plus loin. Le but sous-jacent était de changer les pratiques des enseignants qui ne connaissaient pas ou n’appliquaient pas cette grammaire dite nouvelle. Un but d’intégration des contenus grammaticaux, donc, pour être en mesure de les enseigner d’une façon différente par la suite.

Nous avions prévu, dès le départ, trois jours de formation : deux en journées pédagogiques et une en journée de libération aux frais des écoles. Les enseignants qui s’y inscrivaient étaient libres de le faire et devaient donc être motivés pour y participer (Shulman et Shulman, 2004). Ces conditions nous donnaient une liberté dans le temps et dans la manière d’approcher les différents contenus plus délicats, puisque nous devions instaurer un climat de confiance et une relation avec ce groupe d’enseignants. Nous avons donné la formation de la première journée à trois enseignantes en août. Nous avons ensuite offert une deuxième fois cette première journée lors de la journée pédagogique du mois de septembre et nous avons reçu 9 inscriptions.

Le document de référence qui était présenté aux enseignants avait été écrit par une conseillère pédagogique ainsi qu’un groupe d’enseignants du secondaire l’année précédente afin d’uniformiser le langage au sujet de la grammaire dans la commission scolaire. La nouvelle grammaire est entrée dans le programme de formation du secondaire en 1995, alors qu’elle a fait son apparition au primaire en 2000 avec le Renouveau pédagogique. Elle est donc passée plus inaperçue, car elle était noyée dans tous les changements d’autres ordres. De plus, les programmes de formations n’ont pas été écrits par les mêmes personnes et présentent donc malheureusement des incohérences. Les enseignants de l’ordre secondaire constataient plusieurs lacunes en nouvelle grammaire chez leurs élèves en 1re secondaire, notamment en ce qui concerne les manipulations syntaxiques, et il est très difficile de défaire des automatismes à cet âge. Le souhait de faire apprendre, dès le début de la scolarité, les bases sur lesquelles repose la nouvelle grammaire était partagé chez les enseignants du secondaire. Du côté de l’ordre primaire, certains enseignants savaient qu’ils n’enseignaient pas «correctement» les notions de grammaire, mais ne savaient pas comment faire autrement. Certaines enseignantes de notre groupe avaient même déjà reçu un atelier de formation de trois jours sur la nouvelle grammaire il y a quelques années, mais ne l’appliquaient toujours pas en classe, car elles ne parvenaient pas à transférer ce qu’elles connaissaient à peine et ne se sentaient pas la compétence de le faire (je fais le lien ici avec le pôle «able» de Shulman et Shulman, 2004). Afin de respecter les programmes de formation et d’assurer une continuité des apprentissages pour les élèves, le travail d’arrimage s’était fait avec le document de référence pour outiller les enseignants du primaire (et sûrement plusieurs du secondaire, ne nous en cachons pas) à harmoniser les pratiques et parler tous le même langage. Depuis, le document sur la progression des apprentissages au primaire se penche sur cet aspect et il deviendra probablement la base d’une formation ultérieure sur la grammaire actuelle.

C’est avec ces constats que nous avons élaboré notre atelier, ma collègue et moi-même. Dans les pages qui suivent, les ateliers des trois jours seront présentés et analysés en fonction des pédagogies actives qui nous permettaient d’atteindre nos buts.

Vers une cohérence de l’enseignement des concepts en grammaire pour la compétence Écrire des textes variés au primaire et au secondaire

Vendredi 19 septembre 2008
École secondaire Mont-Bruno
Local : A205A
8h30 à 15h30

ORDRE DU JOUR


Intention de la rencontre : s’approprier les concepts de base de la nouvelle grammaire : les manipulations syntaxiques


Ø Accueil et présentation (école et cycle)
Ø Les manipulations syntaxiques : plongeons dans l’analyse
Ø Les intentions du document (p.3)

Pause

La phrase de base :
- GNs (p.4)
- GVp (p.4)
- Gcp (p.5)

Ø Évaluation de l’avant-midi

Dîner

Ø Types et formes de phrases (p.5)
Ø Retour sur l’avant-midi :
Ø Ponctuation (p.5-6)
Ø Les classes de mots (p.11)

Ø Attentes pour la prochaine rencontre (22 octobre 2008)
Ø Évaluation de la rencontre




Marie-Hélène Giguère, conseillère pédagogique de français, poste 3748
Annie De Noury, conseillère pédagogique de français, poste 3746


Plongeons dans l’analyse : voir annexe 2
Le but de ces deux phrases était de placer les enseignants dans la réflexion grammaticale et voir par quel moyen ils arrivaient à leur analyse.

En grammaire traditionnelle, on analyse les groupes de mots par la sémantique et donc par un questionnement. Voici ce que donnerait l’analyse :

Martin met du bois où? dans le foyer : complément circonstanciel de lieu
(car j’ai posé la question où).

Le groupe qui a la même fonction dans la phrase 2 est donc «dans sa cachette secrète» :
Martin parle à ses amis où? dans sa cachette secrète.

Tous les enseignants de notre groupe ont procédé de cette manière, ce qui nous a fait prendre conscience de l’ampleur du travail qui nous attendait! Par contre, certaines savaient qu’elles étaient dans l’erreur, toujours en lien avec la grammaire actuelle, mais ne savaient pas comment s’y prendre autrement.

En grammaire nouvelle, ce sont les manipulations syntaxiques et les jugements de grammaticalité qu’on pose sur les phrases qui nous permettent d’analyser les groupes et les fonctions :

Martin met du bois ø (s’efface difficilement)
Dans le foyer, Martin met du bois (se déplace difficilement)
Martin met du bois et il le fait/et cela se passe dans le foyer (ne se dédouble pas)
Martin y met du bois. (se pronominalise par y, car c’est un lieu).

Les manipulations nous amènent à constater que ce groupe est un complément indirect du verbe et non un complément de la phrase. Le groupe qui a la même fonction que «dans le foyer» est donc «à ses amis» :
Martin leur parle (se pronominalise par un pronom décisif du complément indirect)
À ses amis, Martin parle dans sa cachette secrète (ne se déplace pas)
Martin parle ø dans sa cachette secrète (ne s’efface pas sans changer beaucoup le sens de la phrase)

Cette activité brise glace se voulait diagnostique pour les animatrices, mais une réactivation des connaissances antérieures pour les participants. De plus, elle présentait les manipulations syntaxiques aux enseignants, dans un contexte de modélisation.

Les enseignants étaient d’ailleurs invités tout de suite après à remplir un tableau SVA (ce que je Sais, ce que je Veux savoir et ce que j’ai Appris), au sujet de leurs connaissances en nouvelle grammaire[2]. Nous nous attendions à ce que les participants soient au niveau de l’exploration, mais nous pensions qu’il y aurait quand même quelques enseignants un peu plus avancés, ce qui ne fut pas le cas.

Les intentions du document
En lisant avec eux les intentions du document de référence, nous présentions une situation à travailler ensemble et les pistes pour le faire. Cette étape donnait un objectif explicite à nos rencontres. Afin d’évaluer l’impact de cette formation, nous espérions voir la nouvelle grammaire intégrée dans les classes de nos enseignants. Nous voulions les amener à changer leur langage et leurs méthodes pédagogiques.

La phrase de base
Pour faire découvrir aux enseignants ce qu’était le concept de la phrase de base, nous leur avons présenté des exemples-oui et des exemples-non (Nadeau et Fisher, 2006)[3]. Nous avons abordé le sujet des types et des formes de phrases (les enseignants ne les connaissaient pas tous) et sur la nécessité de faire les manipulations syntaxiques sur la phrase de base uniquement. Par exemple, on ne peut pas faire de manipulations sur une phrase interrogative ou impérative.

Nous avons ensuite discuté du modèle de la phrase de base que propose notre document :
P = GNs + GVp + (Gcp)
Nous avons argumenté beaucoup autour de ces termes et nous avons attiré l’attention des enseignants sur le choix des majuscules et des minuscules en lien avec les classes de mots et les fonctions des groupes. Les majuscules pour les classes de mots et les minuscules pour la fonction des groupes syntaxiques. Pour plusieurs, ces deux notions n’étaient pas bien comprises. Les enseignants ont aussi résisté au terme «prédicat». Comme ils n’avaient jamais entendu parler de ce qu’était un prédicat, cela leur paraissait difficile à transmettre aux élèves. Or, lorsqu’on présente un nouveau concept à des enfants qui n’ont pas de connaissances explicites en grammaire, c’est beaucoup plus facile pour eux de l’intégrer. On leur dit ce que c’est, à quoi ça sert et comment ça s’appelle. Pour des adultes, il faut convaincre que cette manière de faire est la meilleure, car on déconstruit des savoirs implantés depuis longtemps. Une difficulté supplémentaire s’ajoute quand on travaille avec des adultes qui sont déjà habiles en analyse grammaticale : ils ne voient pas l’utilité de changer ce qui fonctionne déjà bien pour eux. Il faut alors leur présenter des exemples d’élèves qui n’arrivent pas à comprendre ce fonctionnement, mais qui sont plus habiles avec la nouvelle façon de faire, en utilisant des exemples de phrases très parlants.

Une fois l’équation présentée et positionnée dans la théorie grammaticale, nous avons présenté les manières d’identifier les différents groupes par les manipulations. Encore une fois, nous avons dû présenter des exemples qui prouvaient que les manipulations étaient plus efficaces que le questionnement. Nous devions déconstruire des savoirs mais en proposer de nouveaux plus solides et efficaces pour les remplacer. Pour cet exercice, nous avons écrit des phrases au tableau et avons utilisé des étiquettes aimantées pour identifier les groupes et les fonctions par les manipulations[4]. Les enseignants étaient invités à nous guider pour le positionnement des cartons (par exemple : c’est …qui pour identifier le sujet). Fréquemment, nous avons fait un retour sur l’importance de choisir les phrases à l’avance, car certaines phrases peuvent présenter des ambiguïtés[5] et nous placer dans l’incertitude devant des élèves en construction de concepts, ce qui est à éviter, évidemment. De plus, nous étions toujours dans la double intention de l’acquisition de connaissances grammaticales (les manipulations syntaxiques) et de l’enseignement de la nouvelle grammaire (pratiques pédagogiques). Les enseignantes nous ont d’ailleurs demandé des cartons aimantés!

Cet avant-midi bien rempli nous a fait craindre que certains participants ne reviennent pas, car nous avions bousculé beaucoup leurs croyances et leurs connaissances. La formation demandait une accommodation des connaissances (Piaget). Les débats avaient été émotifs et les résistances, très vives. Ces obstacles à l’apprentissage pouvaient persister ou s’atténuer pendant cette pause. Heureusement, la deuxième situation s’est produite : ils sont revenus plus calmes et plus ouverts à recevoir des nouvelles manières de faire. Je crois que le fait que nous avions dès le départ présenté les intentions de la rencontre, que nous avions dit que nous leur fournirions des moyens et du soutien pour enseigner cette nouvelle grammaire et le fait qu’ils aient encore deux jours et demi pour s’approprier ces nouveautés a contribué à leur retour dans un meilleur état d’esprit. Je crois aussi qu’ils sentaient que nous connaissions bien la matière et qu’ils nous ont fait confiance. Le pôle «vision» dont parlent Shulman et Shulman (2004) avait démarré.

Un rappel
Au retour du dîner, nous avons pris le temps de les questionner sur leurs attitudes : nous acceptions leurs réticences, car nous savions que nous les bousculions beaucoup. Nous leur avons répété que nous les accompagnerions et nous avons repris l’atelier avec un retour sur l’avant-midi. Nous voulions les placer dans un contexte de réinvestissement, de régulation des apprentissages, en les plaçant dans un contexte un peu différent, plus près de leur réalité quotidienne. Nous leur avons donné une phrase agrammaticale comme un élève peut en produire et nous leur avons demandé d’expliquer à cet élève, par les manipulations syntaxiques, l’erreur dans cette phrase[6]. Ils y sont parvenus collectivement et avec notre aide. Cet exercice dépassait légèrement leur zone proximale de développement (Vygotski). Nous étions donc en train de travailler les pôles «compréhension» et «pratique» du modèle de Shulman et Shulman (2004).

Le reste de la journée s’est déroulé plus en douceur avec la présentation des classes de mots. Cette notion, plus semblable à la grammaire traditionnelle, a moins heurté les conceptions des enseignants. Nous avons cependant martelé qu’il fallait les découvrir par les manipulations syntaxiques et remettre les mots toujours dans le contexte de la phrase. Les enseignants se sont sentis plus à l’aise dans cette partie de la journée.

Nous avons présenté, pour terminer, deux courts articles sur la nouvelle grammaire[7] pour consolider leurs apprentissages et appuyer nos propos.

Nous leur avons laissé un travail à faire pour la rencontre suivante : ils devaient d’abord mettre en pratique ce que nous avions vu (les manipulations, les classes de mots) et noter des exemples de phrases d’élèves qui mettaient en lumière les éléments de contenu du document de référence. Le but de ce travail était de les garder actifs dans leur classe, car c’est dans l’action que s’effectue le mieux le transfert. Nous nous sommes servies des pédagogies constructivistes et du conflit cognitif «concept qui a donné naissance à des stratégies pédagogiques dont l’essentiel se résume à mettre l’élève (l’enseignant) en contact avec le caractère limité de sa compréhension de sorte qu’il développe curiosité et motivation pour apprendre davantage.» (Carbonneau et Legendre (2002), p. 16)

Les enseignants ont été invités à compléter leur feuille SVA (ce que j’ai appris) et à remplir les feuilles d’évaluation. Celles-ci ont été positives, mais teintées du choc cognitif que les enseignants avaient subi. Ils sont repartis déstabilisés, mais quand même encouragés à tenter des initiatives et, disons-le, épuisés!

Oyé Oyé, nouvelle publication à la CSP!
La nouvelle grammaire

Mercredi 22 octobre 2008, 8h30 – 15h30
Salle de conférence, Marguerite-Bourgeoys

Ordre du jour

Intention de la rencontre : connaître des nouvelles méthodes pour enseigner la grammaire

1. Accueil des participants

2. Retour sur la 1re journée (analyse et SVA)

3. Contribution au document (exemples)

4. Les fonctions des groupes : sujet, prédicat

PAUSE

4.1. L’attribut du sujet par la démarche active de découverte

DÎNER

4.2. L’attribut du sujet par l’apprentissage par l’abstraction

PAUSE

5. La parole est à vous!

6. Évaluation de la rencontre

Annie De Noury, poste 3746
Marie-Hélène Giguère, poste 3748
Conseillères pédagogiques de français

Pour le 13 novembre : vous devez penser à une notion (classe ou fonction) à enseigner cette année et préparer, au choix, un corpus de phrase en lien avec la démarche active de découverte ou des exemples-oui et des exemples-non en lien avec l’apprentissage par l’abstraction. (une dizaine de phrases ou énoncés)
La deuxième journée s’est déroulée lors d’une journée de classe. Nous étions très fières, car tous sont revenus et quelques enseignants se sont même ajoutés, grâce au bouche à oreille positif.

Accueil des participants
Afin de réactiver les connaissances antérieures des enseignants et de faire un retour sur la première journée de formation, nous avons commencé par les déstabiliser, encore une fois. Nous leur avons demandé d’analyser une phase à l’aide des manipulations syntaxiques[8]. Nous avons volontairement proposé une phrase à sujet inversé. Nous voulions provoquer un conflit cognitif afin de bien revenir sur un élément clé de la nouvelle grammaire : on ne peut analyser par les manipulations que sur des phrases qui correspondent au modèle de base. Seules deux enseignantes ont vu la difficulté. À un moment précis du retour sur cette analyse, les enseignants ont soulevé la difficulté d’analyser un sujet inversé et j’ai renchéri en leur renvoyant la question : alors, comment fait-on? Un silence d’une dizaine de secondes pendant lequel tous réfléchissaient, les a mis sur la piste de la transformation en phrase de base. C’était de toute beauté!

Souvent, lors d’activité de ce genre, les enseignants se désolent d’avoir encore recours à leurs vieux réflexes. Comme ils n’arrivent pas à faire la tâche avec les nouvelles ressources, ils s’en remettent à ce qu’ils connaissent et c’est bien normal. Il faut alors les rassurer et leur dire explicitement que ce changement est long à venir et qu’il demande un lâcher-prise. Il faut modéliser beaucoup et procéder par petites étapes pour les amener vers un changement.

Retour sur la 1re journée
Nous avons ensuite fait un retour sur la première journée. Nous leur avons demandé de remplir de nouveau leur tableau SVA avec une case pour témoigner de leurs essais[9]. Certains enseignants avaient déjà mis en pratique les manipulations et avaient changé leur métalangage. Par exemple, elles enseignaient l’encadrement du sujet plutôt que la question. Une d’entre elles a souligné une conséquence positive au sujet de la ponctuation (que nous avions vue la journée précédente) : les élèves utilisaient mieux la virgule pour isoler le complément de phrase déplacé. Une autre a témoigné que les élèves avaient fait des phrases plus complètes, plus élaborées en ajoutant des compléments de phrases. Nous étions sur la bonne voie. Évidemment, plusieurs enseignants n’avaient encore rien changé ni rien transféré. Je crois qu’il ne faut pas s’illusionner sur les changements de pratiques : il faut une motivation interne et un contexte favorable pour voir des résultats. Quand les enseignants sont prêts, ils changent vite. Sinon, comme je le dis souvent, je sème des graines…

Contribution au document
Nous avons ensuite pris le temps de noter au document de la commission scolaire les exemples d’élèves qu’ils avaient recueillis. Cela nous a permis de discuter sur les notions que nous avions vues lors de la première journée[10].

L’attribut du sujet par la démarche active de découverte
Nous avons ensuite présenté une méthode d’enseignement de la grammaire : la démarche active de découverte[11]. Pour éviter de la présenter à vide, nous avons proposé une démarche de découverte de la fonction de l’attribut du sujet. Cette séquence portait sur ce sujet afin d’obtenir un certain degré de difficulté, même pour des adultes. Nous poursuivions toujours notre double objectif d’enseigner les concepts grammaticaux et la manière de les transmettre en classe. En plus d’être vécue, les enseignants ont reçu une présentation Power Point sur cette démarche, ainsi qu’un article qui la présente[12].

Cette présentation de la démarche a débordé sur l’heure du dîner et nous avons dû la terminer au retour. Les enseignants ont dû réfléchir, se concerter, se questionner et faire des essais. Étrangement, ils n’aiment pas beaucoup se retrouver dans ces situations… Pour penser à un transfert en classe, cela nécessite plusieurs ajustements que les enseignants ne sont ni habiles ni à l’aise à faire. Par exemple, la gestion de classe ne doit pas être trop rigide pour permettre la découverte et ils ont de la difficulté à transférer cette pédagogie à leur classe. Ils s’imaginent souvent que les élèves seront dissipés et auront la latitude pour ne pas travailler. Ils voient aussi cette longue séquence comme une perte de temps, plutôt que comme un investissement. Nous avons bien insisté que faire moins de choses, mais mieux, contribuait à ce que les élèves soient meilleurs à long terme, mais c’est un concept bien vague encore pour les enseignants «qui ont un programme à passer».

L’attribut du sujet par l’apprentissage de l’abstraction
Pour la suite, nous ne pouvions plus faire découvrir l’attribut du sujet aux enseignants, parce qu’on venait de travailler cette notion. Nous ne voulions pas non plus surcharger la journée avec une nouvelle fonction grammaticale (compléments direct et indirect du verbe) qui nous apparaissait délicate à présenter avec les manipulations. Nous avons donc présenté encore une fois l’attribut du sujet sous forme de théâtre de lecteurs autour d’un extrait de Britt-Marie Barth[13]. Les enseignants volontaires devenaient les élèves un, deux et trois et ma collègue faisait l’enseignante. Pour ma part, je notais au tableau et rayais ce qui était mentionné dans le théâtre de lecteur[14]. Cette méthode d’enseignement de la grammaire s’est révélée plus agréable et plus transférable à la pratique des enseignants. Ils trouvaient plus facile de l’appliquer, peut-être parce que la situation de l’article coulait de source. Nous leur avons remis un article sur Barth[15]. Dans les deux cas (démarche active de découverte et apprentissage par l’abstraction), nous avons bien mis en garde les enseignants : il ne faut se lancer que si on est bien préparé! C’est d’ailleurs le devoir que nous leur avons laissé pour la journée suivante : nous leur avons demandé de créer un corpus de phrases ou une dizaine d’énoncés exemples-oui, exemples-non au sujet d’une notion qu’ils aborderaient dans l’année.
Un chapitre de Nadeau et Ficher (2006)[16] leur a été remis et nous l’avons parcouru rapidement. Celui-ci met en perspective les pédagogies actives avec la nouvelle manière de faire de la grammaire.[17] Nous avons finalement glissé deux aide-mémoire pour bien clarifier les notions du Programme de formation d’un cycle à l’autre.[18]

La parole est à vous
Les enseignants ont eu la possibilité de poser des questions plus personnelles. Ils ont demandé dans quel ordre ils devaient présenter les notions de grammaire. Nous avons donc vu qu’ils ne voyaient pas la hiérarchie entre les différents concepts grammaticaux. Leurs questions et leurs erreurs nous donnaient des pistes pour travailler la 3e journée. Peut-être que les documents sur la progression des apprentissages du MELS leur donneront des bons indices lorsqu’ils seront publiés.

Encore une fois, nos évaluations ont été très positives, mais les enseignants demandaient du matériel pour mieux travailler la grammaire en classe. Comme d’habitude, des trucs! C’est quand même ce que nous avions prévu pour le jour 3.

Oyé Oyé La CSP vous présente une nouvelle publication sur la nouvelle grammaire!

Jeudi 13 novembre 2008
École secondaire du Mont-Bruno
8h30 – 15h30

Ordre du jour

Intention de la rencontre : s’approprier les exercices en grammaire nouvelle

Accueil

Retour sur le devoir, vos essais et vos questions
Les compléments du verbe : les fonctions CD et CI

Pause

Les accords par le billet
de la dictée zéro faute
de la dictée coopérative ou l’atelier de négociation
graphique (ANG)
de la dictée phrase du jour

Dîner

Consultation de grammaires
Les codes d’autocorrection
Les codes de correction
Fabrication de matériel

Évaluation de la rencontre


Annie De Noury, poste 3746
Marie-Hélène Giguère, poste 3748
Conseillères pédagogiques
Dès le début de la troisième journée, nous avons placé les bureaux en îlots pour donner le ton de la rencontre : ils allaient travailler en équipe et échanger; ils allaient vivre une activité socioconstructiviste.

Retour sur le devoir, vos essais et vos questions
Après l’accueil d’usage, nous avons proposé un échange sur le devoir, c’est-à-dire les exemples-oui, exemples-non sur un sujet de leur choix ou encore un corpus de phrase en vue de faire vivre la démarche active de découverte. Une seule enseignante avait son devoir et l’avait expérimenté en classe[19]. Nous avons félicité son excellent travail, son audace et son engagement. Elle avait des questions auxquelles nous avons répondu en illustrant sa difficulté par un arbre syntagmatique, au tableau. Les enseignants ont paru surpris qu’on puisse analyser des phrases de cette manière (la technique utilisée en linguistique), mais il était trop tard pour leur apprendre à le faire eux-mêmes. Peut-être que ce sera une porte d’entrée pour une prochaine fois? Une autre enseignante avait fait un essai sur papier et n’a pas osé le présenter à tout le monde, mais a tenu à me montrer son travail pour l’améliorer. Elles ont toutes les deux réalisé qu’il est très difficile d’anticiper les réponses des élèves et qu’il faut être très bien préparé pour se lancer en classe en utilisant cette méthode. Elles ont aussi dit que les élèves avaient bien participé aux échanges et elles avaient été surprises de la qualité des réponses obtenues.

Les compléments du verbe : les fonctions CD et CI

Nous avons ensuite présenté la page 7 du document qui précise les fonctions de compléments direct et indirect du verbe. Défaire l’automatisme des questions qui? quoi? à qui? à quoi? de qui? de quoi? est, je crois, l’aspect le plus difficile de toute la formation, car cette fois-ci, il n’y a pas de manipulation syntaxique plus efficace que le questionnement. En effet, les manipulations sont plus longues et parfois même moins efficaces que les questions. Nous arrivons aux limites de la nouvelle grammaire. Nous avons donc proposé un exercice de la vieille école : l’analyse de phrases dans lesquelles il y a des compléments directs (CD), des compléments indirects (CI), des attributs du sujet et des compléments de phrase (CP). Les enseignants devaient identifier les groupes par les manipulations syntaxiques déjà inscrites sur les feuilles d’arbres[20]. Ils ont travaillé en équipe et ont vraiment échangé avec un métalangage correct pour savoir si tel ou tel groupe avait telle fonction. En circulant dans le local, nous avons encore modélisé et posé des questions plus fines pour les amener à identifier les réponses. Parfois, nous devions prendre position et leur montrer comment nous en arrivions à trancher entre deux fonctions possibles. Par exemple, pour choisir entre un complément indirect et un complément de phrase, le fait que le complément se pronominalise par un pronom décisif (lui, leur) nous donne des indices plus efficaces que les manipulations d’effacement ou de déplacement.

Corpus phrase no 2
Son père regarde les parties de hockey avec ses amis.
Les enseignants classaient avec ses amis comme un complément indirect, même s’ils le déplaçaient : avec ses amis, son père regarde les parties de hockey.
Et qu’ils l’effaçaient : Son père regarde les parties de hockey ø.
Mais ce groupe ne se pronominalise pas, ce qui indique de manière plus décisive qu’il s’agit d’un complément de phrase.

Ce corpus de vingt phrases les a fait travailler très fort pour intégrer tout ce qu’ils avaient appris. Je crois qu’à ce moment de la formation, nous aurions pu étirer le temps et vraiment travailler plus en profondeur l’analyse grammaticale. Leur besoin de consolidation était grand et nous avions peu de temps pour le faire. Je crois qu’une journée complète de ce genre d’exercices aurait été nécessaire pour leur donner une confiance en eux devant leur classe. Une activité de construction de phrases et d’arbres syntagmatiques aurait permis un meilleur changement de pratique. Ce sera à revoir pour une prochaine fois. Nous avions quand même gagné beaucoup en progressant comme nous l’avons fait : nous avons misé sur le transfert en classe et les enseignants ont eux-mêmes demandé de faire ce genre d’exercice décontextualisé pour se sentir plus à l’aise devant leurs élèves. Si nous avions commencé par ce genre d’exercices, nous les aurions démotivés. Les enseignants avaient donc besoin du pôle de compréhension (capacité) du modèle de Shulman et Shulman (2004).

Les accords par le billet de la dictée zéro faute

Au retour de la pause, nous avons visionné la vidéo de la dictée zéro faute sur le site de Zoom sur l’expertise pédagogique. Une grille d’écoute avait été fournie et les enseignants y ont noté leurs impressions et leurs questions[21]. Nous avons fait des partages au fur et à mesure de l’écoute et les enseignants étaient de plus en plus emballés par l’expérience qui se déroulait devant eux. Ils ont été impressionnés de la qualité des interventions des élèves et du potentiel de ce genre de dictée. Nous avons tout de suite senti à quel point les enseignants avaient été interpellés par ce qu’ils avaient vu. Nous avons aussi ouvert la discussion sur le sujet : «pour ou contre l’interdiction de consulter le matériel de référence après la correction de la dictée sous forme de questions.» Certains prônaient l’usage du matériel, mais d’autres ont vu une échappatoire possible pour les élèves : s’ils peuvent s’autocorriger, alors à quoi bon poser des questions? Nous avons réussi à rallier plusieurs enseignants à la nécessité d’apprendre aux élèves à formuler de bonnes questions et à les poser. Dans un contexte de différenciation pour les élèves en difficultés d’apprentissage, l’usage d’outils de référence serait permis.

La dictée coopérative
Ayant pris plus de temps pour l’analyse de phrases, nous sommes revenus du dîner avec la suite des dictées. Nous avons donc fait vivre la dictée coopérative aux enseignants en leur proposant un texte de niveau de difficulté adulte[22]. Nous avons distribué des feuilles lignées et demandé d’écrire à double interlignes. Comme une vraie dictée, quoi! Une enseignante a dit tout haut : «Ah! J’haïs ça faire des dictées!». Être placé dans la peau de l’élève peut parfois changer bien des pratiques…

La dictée étant très longue, les enseignants ont été amenés à échanger en équipes pour la correction. Cette activité a duré 75 minutes! Nous avons été très surprises de leur engagement dans la tâche. Ils s’échangeaient des grammaires et questionnaient beaucoup les différentes règles plus pointues de la grammaire. Ils ont appris que les grammaires et les dictionnaires ne sont pas tous pareils et qu’ils ont chacun leur utilité. Dans chaque équipe, il n’est resté qu’une ou deux erreurs.

La dictée phrase du jour
Il ne restait presque plus de temps pour étudier la dictée phrase du jour que nous avons un peu modifié. En effet, le fait d’écrire au tableau des mots avec des erreurs un en dessous des autres peut induire des élèves dyslexiques dans une erreur quasi permanente. Nous avons alors proposé une dictée autour des règles de formation des mots[23]. L’enseignement du lexique fait défaut chez les enseignants et nous avons aussi constaté un besoin de ce côté. La formation en grammaire devrait déboucher sur une formation en orthographe, en particulier en regard de ce qui sera demandé dans le guide de «La progression des apprentissages»[24]

Le matériel
Les dernières minutes de l’après-midi nous ont permis d’échanger sur les éléments plus techniques pour aider les enseignants dans leur classe. Des étiquettes, des aide-mémoire rotatifs, des feuilles de rappel des manipulations ont été échangés entre les participants. Ils étaient tous déçus que la formation se termine ainsi. Plusieurs ont mentionné avoir encore des besoins et espéraient un accompagnement pour doter leur école d’une code d’autocorrection et de correction commun.



Suivi à la formation
Pour ma part, dans une des écoles que j’accompagne plus particulièrement, j’ai été invitée à enseigner en classe la dictée zéro faute. J’ai donc donné deux dictées à des élèves de 6e année. J’ai montré à l’enseignante à modéliser la formulation des questions et j’ai dirigé les réponses des élèves. Par exemple, j’amenais les élèves à verbaliser leur difficulté : «tu ne sais pas comment me demander si courir prend un r ou deux rr. Qui peut l’aider à formuler une question qui respecte les règles de la dictée zéro faute?» Les élèves ont proposé des alternatives. Autre exemple, lorsque les élèves posaient une question sur un verbe, je dirigeais le questionnement pour qu’il soit en lien avec la conjugaison. «Au lieu de demander si ``il continu`` s’écrit comme jus, demande si le verbe continuer est à la 3e personne du singulier, si ce verbe se conjugue comme le verbe aimer, s’il est au présent de l’indicatif.» Cela demande de la rigueur, mais c’est cette rigueur qui est payante pour les élèves.

À ma grande surprise, les élèves étaient très bons et ils ont très bien participé. L’orthopédagogue était aussi en classe et a accompagné les élèves dyslexiques qui travaillent sur un ordinateur portable. Elle a vu un effet positif sur eux, car ils avaient plus de temps pour vérifier leurs mots avec le logiciel Word Q et ont même pu poser des questions. Pour les premières fois, nous avons autorisé l’usage des outils de référence après la dictée, mais nous leur avons dit qu’éventuellement, ils n’y auraient plus droit. Les élèves ont un peu paniqué au début, mais ils vont apprendre à bien poser leurs questions au fil des semaines. Vivre la dictée zéro faute m’a aussi fait prendre conscience des raccourcis que prennent les élèves. Ce genre de dictée donne réellement accès aux représentations des élèves.






Conclusion

La formation en nouvelle grammaire présente plusieurs éléments des pédagogies actives. Comme animatrices, ma collègue et moi-même avons voulu rendre les enseignants actifs et responsables de leurs apprentissages. Nous les avons guidés tout au long des trois jours et même après. Nous avons modélisé les manipulations syntaxiques et nous leur avons fait vivre des activités pédagogiques au lieu de les transmettre magistralement. Nous avons tenté de respecter leur zone proximale de développement parce que nous sommes parties d’où ils étaient rendus et nous avons tenu compte des types de connaissances (déclarative, procédurale et conditionnelle) en grammaire nouvelle afin de favoriser un transfert dans leur pratique. Nous avons tenté de rendre la nouvelle grammaire accessible, agréable et surtout, efficace. Pour certains participants, les quatre pôles de Shulman et Shulman (2004) étaient comblés. Néanmoins, ils ont perçu la difficulté de parler de leurs apprentissages à leurs collègues, car ils bouleversent trop de pratiques confortables et ils préservent la paix sociale. Le 2e niveau du modèle de Shulman et Shulman apparaît ici comme un élément incontournable que seule une personne extérieure à l’équipe ou en position de leadership (enseignant, direction ou conseiller pédagogique), peut amener.

J’évalue la formation de grammaire donnée en 2008 à la commission scolaire des Patriotes comme un grand succès. Plusieurs enseignants ont eu vent de cette formation et ont voulu s’ajouter au groupe. Je parie que la même formation, l’an prochain, affichera complet. Plusieurs écoles ont aussi mentionné le besoin d’un accompagnement pour pousser dans toute l’école le nouveau langage et les manipulations. Ils ont vu l’importance et les avantages pour les élèves de parler le même métalangage. Cependant, nous n’avons pas la prétention d’avoir tout changé. Tous les enseignants de notre groupe ne changeront pas toutes leurs pratiques cette année, mais ce sont les petits pas bien accompagnés qui feront la différence. Le bouche à oreille fera son chemin et quand une majorité d’enseignants travailleront la nouvelle grammaire, ce sont les résistants qui devront changer leurs pratiques. En attendant, retour au boulot!

Bibliographie

Carbonneau, M. & Legendre, M.F. (2002). Pistes pour une relecture du programme de formation
et de ses référents conceptuels. Vie pédagogique, 123. 12-17.

Ministère de l’éducation, du loisir et du sport. (2008). Progression des apprentissages en
français, enseignement primaire.

Nadeau, M. & Fischer C. (2006). La grammaire nouvelle : La comprendre et l’enseigner.
Montréal : Gaétan-Morin.

Shulman & Shulman (2004). «How and what teachers learn : a shifting perspective» in J.
Curriculum studies, Vol 36, no. 2, 257-271.
[1] Voir en annexe 1
[2] Voir annexe 3
[3] Voir annexe 4
[4] Voir en annexe 5
[5] Voir annexe 6
[6] Voir annexe 7
[7] Voir annexe 8 et 9
[8] Voir annexe 10
[9] Voir annexe 11
[10] Voir annexe 12
[11] Voir annexe 13
[12] Voir annexe 14 et 15
[13] Voir annexe 16
[14] Voir annexe 17
[15] Voir annexe 18
[16] Voir annexe 19
[17] Voir annexe 20
[18] Voir annexe 21 et 22
[19] Voir annexe 23
[20] Voir annexe 24
[21] Voir annexe 25
[22] Voir annexe 26
[23] Voir annexe 27
[24] MELS, La progression des apprentissages en français, 2008.