samedi 31 janvier 2009

Annie Desnoyers, Les grammaires.

Fascicule 1

Le fascicule 1 présente des généralités sur la grammaire actuelle. Il fait le point sur les principaux changements proposés par le Programme de formation de français au secondaire de 1995 au Québec et ses fondements.

Une première précision définit ce qu'est la grammaire. Il existe une nuance entre la langue et le fonctionnement de la langue. L'émission 1 de la série «Des nouvelles de la grammaire» commence aussi de cette façon. Elle établit la ligne directrice de la grammaire actuelle qui vise à décrire le fonctionnement de la langue de manière plus générale qu'en grammaire conventionnelle. Elle met l'accent sur le système général au détriment des exceptions particulières (p. 23). Cette vision des choses rend la grammaire cohérente durant toute la scolarité de l'élève, du primaire au secondaire et au-delà (p. 24). Cette grammaire moderne s'oriente vers l'uniformité, la cohérence et l'économie (p. 32).

Une deuxième précison indique que cette grammaire est universelle et non limitée au Québec. La grammaire actuelle est une transposition didactique des savoirs universitaires en linguistique qui fait consensus dans les pays francophones (France, Belgique, Suisse) et même l'Espagne et les pays anglo-saxons (p. 13-14; p. 32).

Une troisième précision pose la grammaire actuelle dans un changement de paradigme qui met l'accent sur la démarche, le métalangage uniforme, la cohérence des phrases et du texte. Lorsqu'on enseigne la grammaire, il faut donner des outils aux élèves pour qu'ils puissent à leur tour réfléchir sur la langue écrite et les phrases qu'ils produisent. Certains arrivent à induire ce système cohérent; d'autres ont besoin d'un enseignement plus explicite des régularités. Nous passons donc d'un fonctionnement autrefois basé sur l'analyse des éléments du discours (mots) vers les fonctions de ceux-ci à un fonctionnement des groupes de la phrase vers l'expression de ces fonctions par les classes de mots (p. 19). Je dirais dans mes mots qu'on passe d'un système de bas vers le haut, à un système de haut vers le bas. On décortique plutôt qu'on construit.

La seconde partie du fascicule analyse des erreurs d'étudiants du collégial et la correction qu'on pourrait leur donner pour expliquer ces erreurs, ce qui permet d'expliquer par le fait même le fonctionnement de la grammaire actuelle. Desnoyers place ici le concept de récursivité qui fait en sorte que les groupes s'emboitent les uns dans les autres, à la manière de poupées russes. Elle aborde ainsi indirectement les arbres syntagmatiques (ou devrais-je dire syntaxiques?) qui illustrent la construction des phrases (p. 21).

Dans la conclusion de son premier fascicule, Desnoyers élargit la grammaire de la phrase à la grammaire du texte qui amène l'élève à écrire un discours cohérent et qui doit donc inclure entre autres, tout l'aspect du lexique (je fais référence à la notion de prédicat et de thème de Christine Tellier).

Questions techniques

1. p. 25: Annie Desnoyers inclut le pronom dans les noyaux possibles du groupe nominal. Elle fait un choix linguistique qui n'est pas partagé dans toutes les grammaires. Jusqu'où peut-on aller dans l'interprétation qu'on fait des concepts linguistiques? Quelles sont les grammaires qui valident une telle prise de position?

2. p. 26: au paragraphe numéroté 1, elle aborde le nom comme étant indépendant, mais n'aborde pas l'idée qu'il est donneur de genre et de nombre. Cela me parait pourtant essentiel...
3. p. 29: pour expliquer le cas des adjectifs de couleur composés invariables, elle indique que le mot bleu n'est pas un adjectif, mais un nom. Quelle grammaire valide une telle prise de position? Il me semble que même les grammaires scolaires ont conservé cet aspect d'exception dans le système des accord.

Fascicule 2

Desnoyers, dans le second fascicule, continue de présenter le changement de point de vue en grammaire. Elle présente des cas d’accords traditionnellement présentés comme des cas d’exceptions, mais elle en explique ici le fonctionnement systématique. Elle utilise des exemples du collégial : même, tel, tout, quelque, etc. Pour le primaire, c’est toute la question des homophones qu’il faut regarder avec cette lunette du changement de point de vue. Au lieu de présenter les homophones comme des mots appartenant à une classe et d’analyser leur classe en contexte, les enseignants les présentent côte à côte, ce qui peut induire les élèves en erreur. En bout de ligne, on pourrait presque dire qu’on entraine les élèves à confondre son et sont, mes et mais. Il faut comprendre ici que les mots fonctionnent toujours selon leur catégorie dans la phrase (p. 17-18) et que la langue est un système cohérent. Il faut donc amener les élèves à réfléchir sur leurs phrases (classes et fonctions des mots) et enseigner les mots dans leur contexte, c'est-à-dire des phrases.

À la page 25, Desnoyers aborde une problématique propre à Tardif sur le type des connaissances : on a enseigné les règles aux élèves mais très peu les contextes où les utiliser. Les connaissances conditionnelles sont souvent évacuées de l’enseignement. Les enseignants croient que les élèves transféreront par eux-mêmes, alors que nous savons qu’ils le font très peu. Nadeau et Fischer le mentionnent d’ailleurs dans leur ouvrage La grammaire nouvelle, la comprendre et l’enseigner. Dans une formation pour les enseignants du primaire, il est important de montrer comment enseigner ce transfert, ces connaissances conditionnelles.

La fin du fascicule présente des éléments de grammaire du texte et d’adaptation à la situation de communication qui ont peu à voir avec les contenus du primaire.

Fascicule 3

Le 3e fascicule aborde la notion plus large de grammaire du texte et de lexique. Desnoyers apporte des éléments fort intéressants, mais plus pertinents pour les niveaux secondaire et collégial.

Question : (p. 17) Je n’avais jamais remarqué la distinction entre les déterminants identifiants (référents) et quantifiants. Après vérification, j’ai retrouvé cette présentation dans Boivin et Pinsonneault (2008), mais pas dans Chartrand.

Commentaire : (p. 23) Desnoyers présume que les élèves sauront de quoi on leur parle quand les enseignants au collégial parleront de thème et de propos. J’en doute… Je crois que les enseignants ne sont pas tous au fait de cette notion dans la progression de l’information. Le programme de 2e cycle du secondaire aborde les notions d’information et de rhème (p.94), mais je ne sais pas si c’est enseigné comme cela aux élèves. Le danger ici est de décourager les enseignants du collégial («que leur ont donc ils enseigné, au secondaire? On nous a dit que ce serait su et ce ne l’est pas!»)

Le lexique et l’étude des mots deviennent un nouvel objet d’enseignement dans la grammaire moderne. Desnoyers reprend l’idée de Barth en expliquant qu’il faut connaître les contours des objets d’apprentissage pour bien les comprendre. Nadeau et Fischer (2008) y font référence : l’enfant doit savoir ce qu’est un coussin (une enveloppe contenant de la bourre) et l’isoler de ce qu’il n’est pas (un oreiller, un matelas, etc.) et doit en connaître les possibilités (rond, carré, gros, petit, etc.).

Commentaire : (p. 27; 31 à 36) tout cet aspect du lexique est fascinant! Je suis tout à fait d’accord d’enseigner le lexique en définissant ce que le mot veut dire, ce qu’il ne veut pas dire, les contextes dans lesquels il est acceptable et dans lesquels il ne l’est pas, etc. Cependant, je dois avouer que je n’ai reçu aucune formation à ce sujet dans tout mon parcours en éducation, ce que je considère comme un manque. Espérons que la progression des apprentissages en français sur l’orthographe lexicale amènera les enseignants à se questionner sur les mots et leur apprentissage. Dans le cadre de cette formation précise en grammaire, je vais me centrer sur la syntaxe (la phrase) et non sur les mots, ce qui serait l’objet d’une formation complète.

Fascicule 4

Encore une fois, le fascicule 4 s’applique peu au primaire. Cependant, la situation de communication et les notions de registres de langue sont tout à fait applicables dès le primaire. L’auteure termine son fascicule 4 en fournissant une explication intéressante sur les points de vue différents des grammaires traditionnelle et actuelle : l’analyse des phrases telle qu’on la connaissait s’apparentait au travail du botaniste; «cette phrase, telle que trouvée dans la littérature, est une phrase de la langue française en raison de telle structure». La structure connue provenait du latin (ce qui explique le changement de catégorie de l’adjectif au déterminant, par exemple). Aujourd’hui, la grammaire part de l’explication d’un fonctionnement, d’un système cohérent qui permet de construire plusieurs possibilités de phrases en français.

Le schéma de la p. 28 montre de belle façon une transposition didactique des savoirs linguistiques aux savoirs pédagogiques.

La bibliographie en grammaire

Liste de lectures pour Marie-Hélène Giguère
20 janvier 2009


Boutet, J. (1986). Jugements d’acceptabilité et raisonnements métalinguistiques. Revue ELA, 62.

Cogis, D. (2005). Pour enseigner et apprendre l’orthographe. Paris : Delagrave.

Desnoyers, A. (2001). Les grammaires (fascicules 1 à 4). Montréal : CCDMD.

Lefrançois, P. (2003). De la nouvelle grammaire à la grammaire actuelle. Québec français, 131.

Nadeau, M. et Fisher, C. (2006). La grammaire nouvelle : La comprendre et l’enseigner. Montréal : Gaëtan Morin / Chenelière éducation.

Québec français, no hors série « La grammaire au cœur du texte » (2002).

Québec français, 129 (2003).

mardi 20 janvier 2009

Bienvenue sur mon blogue!

J'y déposerai ma bibliographie, mes comptes rendus de lecture et mes réflexions en lien avec mon projet de travail dirigé.

Vous êtes cordialement invités à commenter mon travail afin d'alimenter ma réflexion.

Bonne lecture!